20241023 Appui MAG Web V4 - Flipbook - Page 138
DES HISTOIRES QUI RÉSONNENT
ÉD. 01
J’ai appris à vivre avec elle. Maintenant, je
Il y a des jours où je me demande si j’en fais
me dis qu’elle devra m’apprendre à vivre sans
assez. J’ai été présidente de la fondation de
elle. C’est dur à dire, mais je souhaite qu’elle
son école pendant des années. J’ai travaillé
parte avant moi. Quand je dis « partir », je
avec le gouvernement pour ouvrir une école
parle de la fin de sa vie. C’est une réalité à
pour les 21 ans et plus. Je fais tout ce que je
laquelle je dois faire face. La santé de Joanie
peux pour qu’elle ait la meilleure vie pos-
est fragile. Chaque matin, quand j’entre dans
sible. Mais est-ce suffisant ? Cette question
sa chambre, je redoute de la trouver inanimée
me hante parfois.
à cause d’une crise d’épilepsie.
À tous les parents, à tous les proches aidants
Si je devais partir en premier, qui s’occuperait
qui me lisent, je veux vous dire : vous avez
de Joanie comme je le fais ? Qui connaîtrait
le droit de pleurer. Vous n’avez pas toutes
tous ses besoins, ses habitudes, ses petits bon-
les solutions, et c’est normal. Créez-vous un
heurs ? Qui se battrait pour elle comme je le
réseau, demandez de l’aide. Ne restez pas
fais ? L’idée qu’elle se retrouve sans moi, dans
isolés. C’est le pire piège dans lequel on peut
un système qui n’est pas toujours adapté à ses
tomber.
besoins, me brise le cœur. C’est pour ça que je
La vie avec Joanie n’est pas facile tous les
dis que j’aime mieux une vie compliquée avec
jours, mais c’est ma vie. Une vie remplie
Joanie qu’une vie simple sans elle.
d’amour, de défis et de petites victoires.
Je sais que c’est un sujet difficile, presque
Quand je la vois sourire, quand je sens son
tabou. Mais c’est la réalité de nombreux
cœur battre contre le mien, je sais que tout
parents d’enfants lourdement handicapés.
en vaut la peine.
On se projette dans l’avenir, on s’inquiète, on
Alors oui, je continue. Je me bats. Pour elle,
planifie. Et parfois, on se surprend à espérer
pour moi, pour nous. Parce qu’au final, c’est
des choses qu’aucun parent ne devrait avoir
ça être parent, être proche aidant. C’est
à espérer.
aimer sans condition, donner sans compter,
et trouver la force de continuer, jour après
jour, année après année.
« Et vous savez quoi ?
Je ne changerais ça pour
rien au monde. »
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